L’infrastructure est la priorité la plus urgente de l’Afrique et sa plus grande opportunité

By Samuel 8 Min Read

L’histoire de l’Afrique au XXIe siècle est faite de promesses, de contradictions et de priorités pressantes. De l’urbanisation rapide à une population jeune en plein essor, en passant par des mutations numériques sans précédent, le continent regorge de potentiel.

Mais derrière les gros titres se cache une contrainte tenace : le vaste déficit d’infrastructures de l’Afrique.

C’est une crise silencieuse aux conséquences bruyantes. Des routes qui disparaissent en pleine trajectoire. Des coupures d’électricité qui paralysent les petites entreprises. Des ports asphyxiés par les inefficacités. Des hôpitaux privés d’électricité. Des écoles inaccessibles pendant la saison des pluies. Ce ne sont pas de simples désagréments. Ce sont des obstacles structurels profonds au développement, et des injustices quotidiennes pour une génération qui espère mieux.

Chaque année, le continent a besoin de 130 à 170 milliards de dollars d’investissements dans les infrastructures pour atteindre ses objectifs de développement, selon l’Agence de Développement de l’Union Africaine (AUDA-NEPAD). Or, actuellement, seulement environ 80 milliards de dollars sont mobilisés, laissant un déficit de financement d’au moins 50 milliards. Ce manque se creuse alors que les villes gonflent, que les économies se diversifient et que les risques climatiques augmentent.

Nulle part ce déficit n’est plus pressant que dans le secteur de l’énergie. Plus de 600 millions de personnes en Afrique subsaharienne vivent encore sans accès à l’électricité – soit environ 53 % de la population de la région. Et lorsqu’on considère les atouts naturels de l’Afrique en matière d’énergie solaire, éolienne et hydroélectrique, l’écart entre possibilités et progrès devient difficile à ignorer.

Le socle de l’Agenda 2063

L’Agenda 2063 de l’Union Africaine imagine un continent autosuffisant, intégré et prospère. Mais cet avenir ne se concrétisera pas tout seul. Il a besoin d’infrastructures – routes, rails, ports, lignes électriques et câbles à fibre optique – pour l’acheminer. Sans ces leviers essentiels, la croissance économique reste bloquée en première vitesse.

C’est pourquoi le prochain Sommet sur le Financement des Infrastructures à Luanda est suivi de près. Prévu pour fin octobre et accueilli par l’Angola sous la présidence de João Lourenço, président en exercice de l’UA, avec plusieurs autres chefs d’État attendus, le sommet vise à stimuler les investissements dans les projets d’infrastructure les plus urgents du continent.

Les organisateurs espèrent que le sommet ne sera pas qu’une tribune à discours. Avec des salles de négociation ciblées et des sessions de présentation de projets, l’événement est conçu comme un lieu de rencontre entre projets bancables et capitaux réels. Des initiatives majeures comme le Corridor de Lobito, le projet Lamu Port-Soudan du Sud-Éthiopie (LAPSSET) ou encore l’axe routier Abidjan-Lagos sont parmi les projets phares présentés.

Une source de financement à l’étude est celle des immenses capitaux domestiques déjà présents en Afrique même. Chaque année, plus de 70 milliards de dollars dorment dans les fonds de pension et les fonds souverains africains. Si ne serait-ce qu’une partie de ces fonds était redirigée vers des véhicules d’infrastructure à long terme et désensibilisés au risque, le paysage pourrait être transformé.

Le modèle « infrastructure d’abord » du Rwanda

Plus près de nous, le Rwanda incarne ce qu’il est possible d’accomplir lorsque les infrastructures sont mises au premier plan.

En trois décennies, depuis le génocide contre les Tutsi en 1994, le pays est passé d’un État fragile à l’une des économies les plus connectées et efficaces de la région. La Zone économique spéciale de Kigali (KSEZ) est devenue un pôle d’attraction pour les industriels grâce à des routes fiables, de l’électricité stable et des chaînes logistiques performantes.

Les investissements du gouvernement dans le haut débit ont valu au Rwanda le surnom de « Hub des TIC en Afrique », et des initiatives comme Smart Kigali transforment encore la prestation des services publics.

L’accès à l’énergie raconte une autre partie de cette histoire. Grâce à l’expansion du réseau, aux solutions hors-réseau et aux partenariats public-privé, l’accès à l’électricité est passé de 6 % en 2009 à plus de 80 % aujourd’hui.

En tant que professionnel de la santé publique, j’ai vu comment une simple route ou un réseau solaire peut transformer l’accès aux services dans les zones reculées. Cela peut sembler dérisoire, mais ce sont souvent ces détails qui déterminent si le progrès atteint les communautés – ou s’arrête à la capitale.

Le Rwanda n’est pas parfait. Mais il prouve que les possibilités sont immenses avec un leadership déterminé, une clarté politique et un financement intelligent.

Ce qui est vraiment en jeu

Sans infrastructures, l’Afrique ne peut pas commercer de manière compétitive – même avec elle-même. La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), avec son objectif de libérer un marché de 3 400 milliards de dollars, restera bloquée si ses fondations physiques ne sont pas en place.

Sans infrastructures, l’adaptation climatique restera une théorie, non une stratégie. Face aux inondations, à la sécheresse et à l’insécurité alimentaire croissantes, les infrastructures vertes – micro-réseaux solaires, routes résilientes au climat, systèmes d’irrigation modernes – doivent devenir prioritaires.

Et sans infrastructures, l’Afrique ne pourra pas créer les emplois dont sa jeunesse a besoin. L’industrialisation fondée sur les infrastructures est l’un des rares chemins capables d’absorber la main-d’œuvre à grande échelle tout en stimulant la diversification économique.

La voie à suivre

Pour changer de cap, l’Afrique doit agir résolument dans trois domaines :

  1. Mobiliser davantage de capitaux domestiques : nos fonds de pension et nos réserves souveraines doivent être utilisés avec intention. Avec les bons cadres réglementaires et des mécanismes de partage des risques, ils peuvent financer des projets de long terme plutôt que de rester dormants.

  2. Investir dans l’intégration régionale : les routes et les chemins de fer ne doivent pas s’arrêter aux frontières. Les infrastructures exigent une coordination transfrontalière et une gouvernance supranationale renforcée pour gérer les corridors partagés.

  3. Adopter l’innovation financière : le financement mixte, les obligations de projet et les nouveaux outils numériques pour les marchés publics et la transparence élargissent le champ des possibles. Ils doivent être utilisés plus stratégiquement.

La vérité, c’est que l’Afrique ne manque pas de plans directeurs ni de documents stratégiques. Elle souffre d’un manque d’exécution. Le déficit d’infrastructures n’est pas seulement économique ; c’est un échec de coordination, de volonté politique et de vision à long terme.

Mais les choses peuvent changer. Le sommet de Luanda peut être bien plus qu’un rassemblement de haut niveau. S’il débouche sur des engagements financiers concrets, des projets accélérés, et une meilleure synergie public-privé, il pourrait marquer un tournant dans la manière dont l’Afrique construit son avenir.

L’infrastructure ne se résume pas au béton et à l’acier. Il s’agit de connecter les gens aux opportunités. Il s’agit de dignité, de mobilité et de résilience. C’est le socle de l’Afrique que nous voulons.

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